Paranormal claim challenge anti-pattern

Depuis plusieurs décennies déjà, James Randi propose à toute personne prétendant disposer de pouvoir paranormaux de prouver ses dires, récompense à la clé. Au fil des années le prix a atteint 1 million de $, et un test spécifique de vision à distance a été proposé : caché dans une boîte scellée des bureaux de la JREF à Fort Lauderdale (Floride), se trouve un objet mystère à deviner. Alors, c’est quoi le schmilblick ? Un certain Matt Blaze, en janvier, a répondu : un CD. Randi confirme. Et pourtant, Blaze indique avoir réussi ce One million Dollar Paranormal Challenge… sans aucun pouvoir paranormal.

RR0
3 min readOct 29, 2020

Article initialement posté le 17 mars 2007

Tout à commencé quand Randi, excédé par les suspicions de tricherie à son propre égard (i.e. il pourrait contester une vision exacte en prétendant qu’il ne s’agit pas du bon objet, ou le remplacer par un autre), s’est mis à vouloir prouver son honnêteté par le biais d’un “protocole de mise en gage”, bien connu des cryptologues : on fournit un texte crypté qui, une fois l’objet révélé, pourra être vérifié comme décrivant bien ce dernier.

Et il se trouve que Blaze est justement cryptologue, réputé de surcroît. C’est probablement ce qui, au grand dam de Randi, l’amènera avec Jutta Degener à s’intéresser au défi de la JREF (EDIT: aujourd’hui terminé). Cependant, il utilisera peu de ses talents ou moyens de cryptographe pour, au lieu de voir à distance, se borner à déchiffrer le mystérieux texte publié par Randi. Juste un peu d’astuce, tout au plus. Des nombres qui ressemblent à un n° ISBN, puis un n° de page, puis un n° d’entrée depuis le bas de cette page, et l’affaire est faite. Comment Randi n’avait-il pas pensé que les meilleurs cryptographes du monde, cassant les codes de messages autrement plus complexes, ne pourraient pas se pencher sur sa petite énigme ? Surtout pour 1 million de $.

Au passage, Blaze rappellera que Randi a fait plusieurs erreurs. En premier lieu son protocole de mise en gage qui, contrairement à l’usage, était réversible. C’est-à-dire que l’on pouvait trouver l’objet caché à partir du texte, alors qu’en cryptologie ces choses se doivent d’être non-réversibles (i.e. le texte doit ne pouvoir être déduit que de la source à cacher, mais pas l’inverse). En second lieu, que le texte de Randi pouvait générer des “collisions”. En clair : l’interprétation de son texte aurait très bien pu identifier, à tort, à d’autres objets, de manière tout aussi claire.

Quelle morale trouver dans cette histoire ? D’abord, d’une manière générale, que Randi a abordé le problème à l’envers. Quand on veut prouver l’honnêteté de quelqu’un (qui prétend avoir des pouvoirs paranormaux), on ne lui promet pas une grosse récompense. C’est le meilleur moyen de s’attirer des tricheurs. La défi de Randi est donc, si ce n’est malhonnête (on ose espérer qu’il ne l’a pas fait exprès), au moins maladroit. Au lieu d’attirer des sujets doués, il a, en promettant beaucoup, avant tout voulu affirmer la force de sa propre croyance en l’inexistence du paranormal. Au lieu de mener une recherche sur une base commune (il refuse tout changement au protocole qu’il impose, de sorte qu’il se retrouve à contester sa vision du paranormal plutôt qu’un phénomène potentiellement réel mais différent), il s’est borné à faire un pari public. “Je te parie 1 million de $, que le paranormal n’existe pas”. Le résultat ? D’un côté des centaines de “prétendants” intéressés, auquel Randi, ses amis, et le public crédule réduiront le paranormal (Randi demande à cet effet que les prétendants aient une couverture médiatique minimale), et de l’autre des gens astucieux, sans aucun pouvoir, qui lui réclament le prix.

Voilà donc à quoi mène la confusion entre science et militantisme. À ce jour, le prix tant convoité n’est plus proposé, et Randi ne souhaite plus recevoir que des prétentions au cas par cas.

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